Les femmes dans le monde des spiritueux - DUGAS

Les femmes dans le monde des spiritueux

Dans le monde des spiritueux, les femmes ont enfin pris le pouvoir.

Directrice générale, marketing manager, brand ambassadrice, directrice RSE, propriétaire de bar à cocktails ou de cave : dans le monde des spiritueux, que ce soit en France, en Irlande, à Sainte Lucie ou au Venezuela, les femmes ont su s’imposer à des postes clefs. Grâce à leur talent, leur passion et leur engagement, elles ont réussi à s’affirmer dans cet univers encore trop souvent considéré comme masculin et accéder à de vraies responsabilités. Mais pour cela, elles ont dû se battre, faire preuve de patience, accepter des tâches subalternes qui n'étaient généralement pas confiées à leurs collègues masculins et travailler deux fois plus dur que les hommes pour faire leurs preuves. Témoignages.

Sabine Grallet Dupic, codirigeante de la distillerie Rozelieures et de la Maison de la Mirabelle

« J’ai toujours voulu reprendre la société familiale, affirme d’entrée Sabine Grallet Dupic qui, enfant, participait déjà aux moissons et aux récoltes des mirabelles. Je me suis donc orientée vers des études d’économie agricole afin d’être à même de gérer une exploitation. Puis j’ai souhaité aller plus loin avec un DESS en droit des affaires et fiscalité. Passer du milieu agricole à une formation juridique plus généraliste était un challenge qui m’a permis d’avoir une vision globale sur la gestion d’une entreprise. Ce défi réussi m’a apporté une grande confiance en mes capacités. » Grandir dans un milieu agricole assez masculin ne lui a jamais posé de problème. Conduire un tracteur non plus. Aujourd’hui, en tant que codirigeante de la société, elle n’est pas non plus confrontée à des défis relatifs à sa condition féminine. C’est donc très naturellement que Sabine Grallet Dupic participe aux prises de décisions stratégiques de l’entreprise, développe le spiritourisme au sein de la ferme-malterie-distillerie familiale en gardant toujours un pied dans la production, notamment autour de l’embouteillage. Il faut dire que lorsqu’elle rentrait de l’école, elle aimait retrouver son père à la distillerie, où les producteurs de fruits du village venaient distiller. Ces métiers, elle les connaît par cœur et a une vision à 360° sur la production de spiritueux. 

« L’industrie des spiritueux a beaucoup évolué et, aujourd’hui, on retrouve des femmes sur tous types de postes à responsabilités, constate-t-elle. Le temps où les femmes étaient cantonnées à des fonctions administratives est révolu. Je pense notamment à Rachel Berry, master blender chez Brown Forman, ou Joy Spence qui occupe le même poste chez Appleton qui se sont imposées comme des figures tutélaires reconnues pour leur savoir-faire. »

 

Ruba Khoury, propriétaire du bar à cocktails Dirty Lemon à Paris

 

Bimbo, Cougar, Trophy Wife, Chez Ma Daronne : au Dirty Lemon, le nom des drinks, tout comme la devanture rose bonbon, donne le ton. Celui d’un bar à cocktails « female-owned » et « inclusive of all » comme le revendique son compte Instagram. Quant aux petites assiettes gastronomiques, à l’image de l’artichaut cuit aux épices avec sa vinaigrette citron-miel, elles en disent long sur la personnalité de Ruba Khoury, la maîtresse des lieux. Pourtant, tout n’a pas été simple pour la jeune chef d’origine palestinienne. « Quand on est une femme, jeune, d’origine étrangère et lesbienne, les banquiers ne sont pas vraiment à l’écoute, raconte-t-elle. La plupart d’entre eux ne comprenaient même pas mon projet. J’en ai rencontré neuf : la seule qui m’a accompagnée est une femme. » Mais il en faut plus semble-t-il pour décourager Ruba qui rêve depuis son plus jeune âge d’être chef et de travailler à Paris, la capitale de la gastronomie. D’ailleurs, à 31 ans, elle a déjà un CV impressionnant. Après une formation de cuisine au Cordon Bleu, elle a fait ses classes dans des restaurants parisiens étoilés comme Septime, Yam’Tcha ou encore Frenchie. 

« Dans la restauration, l’exigence envers les femmes est toujours plus importante, uniquement parce que nous sommes des femmes », témoigne-t-elle. Alors, il y a deux ans, entourée de femmes, plutôt que de créer un restaurant, elle a préféré donner naissance à un bar à cocktails. « Je n’aime pas les règles : le côté plus fluide du bar me convient mieux, explique-t-elle. Dans un bar à cocktails, l’ambiance et le service sont beaucoup plus décontractés. Et puis on ne sait jamais comment va se passer la soirée. On est ouverts de 18h à 2h, il n’y a pas de réservations. On peut venir juste boire un verre ou dîner, mais aussi partager quelques assiettes jusqu’à 1 heure du matin ce qui est finalement assez rare à Paris. »

 

Anne Lienhart, propriétaire de la cave Pépites de vin à Bischwiller

Un DUT génie biologique en poche, Anne Lienhart prend la direction de Dijon où elle décroche son diplôme d’œnologie, puis un mastère de commerce international en vins et spiritueux. Mais c’est en classe préparatoire que la jeune femme initiée aux plaisirs du vin par son père, grand amateur de jolies bouteilles, aura le déclic lorsqu’un de ses professeurs débouche un Chambolle-Musigny 1969. Le métier de caviste s’impose alors comme une évidence. « Je souhaitais rentrer chez moi, en Alsace, et, à l’époque, il n’y avait pas véritablement d’opportunités professionnelles dans le monde du vin, raconte-t-elle. Alors j’ai commencé à travailler chez l’un des premiers cavistes de Strasbourg. Mes débuts ont été un peu difficiles : en plus d’être une femme, j’avais 24 ans. Les clients, les hommes surtout, avaient du mal à me faire confiance. » Depuis, Anne Lienhart a su s’imposer : elle a d’ailleurs été élue secrétaire générale de la Fédération des cavistes indépendants il y a deux ans et vient de recevoir le titre de Maître Caviste. Une vraie reconnaissance. Mais sa plus belle réussite est probablement l’ouverture, en 2018, de sa propre adresse à Bischwiller, au nord Strasbourg, après avoir travaillé plus de vingt ans dans différentes caves de la région. 

« Ma cave est à mon image, un peu girly, et mon tablier de sommelier est rose fuchsia, s’amuse-t-elle. Mais je ne peux pas travailler en talons : notre métier peut être très physique. Je travaille le plus souvent seule : lorsqu’une palette de cent cartons arrive, je suis bien obligée de m’en occuper. » Côté sélections, si la qualité reste la priorité d’Anne Lienhart, elle reconnaît qu’elle est sensible aux vins élaborés par des vigneronnes et regrette que les femmes ne soient pas encore très nombreuses à produire des spiritueux. « Au final, je pense qu’être une femme dans cet univers encore très masculin, c’est plutôt un atout. »

 

Pauline Audibert, brand ambassadrice Don Papa France

Il y a quelques années, le monde des spiritueux lui était encore inconnu. Mais grâce à un stage en tant qu’assistante de communication externe chez Pernod dans le cadre de ses études au sein de l’école de commerce Kedge à Bordeaux, il s’est imposé comme une évidence. Depuis, Pauline Audibert a travaillé dans des bars à cocktails à Sydney, réalisé son mémoire de fin d’étude sur l’industrie des bars à cocktails en France et fait son dernier stage en tant que commerciale pour le tonic bio Archibald, ce qui lui a permis de découvrir le monde du CHR. « En sortant de l’école, mon objectif était de devenir brand ambassadrice, confie-t-elle. J’ai été recrutée à ce poste pour Don Papa et je ne suis pas déçue de ce choix de vie. Je n’ai pas de journée type tant ma mission est diverse mais il s’agit avant tout de représenter la marque en France et de développer sa visibilité. » Certains jours, Pauline Audibert va à la rencontre des clients pour leur présenter la gamme Don Papa, leur parler de la marque et répondre à leurs questions. D’autres, elle se charge de l’organisation des événements Don Papa comme les Bars of Masks ou encore les Diners of the Don, sans oublier de gérer la communication. Mais tout n’a pas toujours été simple pour la brand ambassadrice de Don Papa. 

« C’est dans la restauration que les défis ont été les plus durs à surmonter en tant que femme, raconte-t-elle. Cela passe souvent par de petites réflexions déplacées ou encore le fait de ne pas être réellement prise au sérieux car on est une femme. Mais j’ai décidé d’utiliser l’humour et la rhétorique pour me sortir de ces situations compliquées. Être la seule femme brand ambassadrice de Don Papa est une belle réussite pour moi. Cela me prouve que j’ai de la légitimité en tant que professionnelle. » Résolument engagée, Pauline Audibert s’attache désormais à mettre en avant les femmes du monde du bar. Elle a ainsi recruté sept bartenders femmes qui seront les coachs de la prochaine édition du concours de cocktails Shake it with the Don qui devient cette année pour l’occasion Shake it with the Doñas. 

 

Ruth Dunne, marketing manager de Teeling

Diplômes de commerce international et de l’IBEC en poche, Ruth Dunne a fait ses classes en tant que brand ambassadrice des irish whiskeys Kilbeggan en Pennsylvanie puis au service marketing de The Shed Distillery, à Dublin. Un tour du monde et une vingtaine de pays découverts plus tard, elle est entrée au sein de la société Teeling au poste de responsable marketing. Aujourd’hui, elle développe aussi bien des outils pour l’équipe commerciale, met en place les stratégies médias ou encore se charge de la présence de la distillerie sur les salons professionnels. 

« L’industrie des spiritueux est en perpétuel mouvement, constate-t-elle. Les choses changent tout le temps et de nouveaux entrants arrivent constamment sur le marché. J'apprécie également de voir de plus en plus de personnes participer à la renaissance du whisky irlandais en Irlande comme à l'étranger. Je me sens aussi très chanceuse de pouvoir continuer à découvrir de nouvelles cultures à travers le monde grâce à mon travail, car voyager est une grande passion pour moi. » Ruth Dunne se souvient toutefois de sa descente de l’avion lorsqu’elle est arrivée à Philadelphie, une ville qu’elle ne connaissait pas, pour débuter sa carrière dans un univers qui lui était encore étranger. Mais, convaincue de sa capacité à répandre la bonne parole du whiskey irlandais, le fait d’être une femme ne l’a jamais empêché d’avancer. « Ces dernières années, il y a de plus en plus de femmes à des postes influents dans l’univers des spiritueux, affirme-t-elle. Quant au whiskey irlandais, grâce à sa diversité mais aussi au monde du cocktail, il s’est fait connaître d’un public plus large. D’ailleurs, il y a davantage de femmes qui boivent du whiskey irlandais, ce qui est fantastique et j'espère que cela va continuer. »

 

Susana Curbelo, directrice RSE de Diplomático

 

Après des études en comptabilité publique et en administration des affaires, Susana Curbelo a enrichi sa formation professionnelle avec un MBA spécialisé dans la responsabilité sociétale des entreprises et le marketing. « Dès mon plus jeune âge, je me suis intéressée à l'économie, notamment à travers les changements et les défis que mon pays, le Venezuela, traversait, confie-t-elle. Aujourd’hui, je me sens sincèrement heureuse de voir le chemin que j'ai parcouru et épanouie professionnellement. D’autant que dans notre entreprise, nous cherchons à influencer positivement à la fois nos employés et la communauté locale. » Vous l’aurez compris, le poste de directrice RSE de Diplomático s’impose comme un « job de rêve » pour Susana Curbelo. Il y a une quinzaine d’années, sa première mission a été de créer de toutes pièces le programme de responsabilité sociale de l’entreprise. 

Depuis, qu’il s’agisse de santé, d’éducation, de culture, de sport, d’environnement ou encore de développement communautaire, elle cherche toujours à comprendre les besoins et les attentes réels des employés afin d’y répondre au mieux. « Au départ, j'étais la seule personne à gérer cette partie, mais grâce aux efforts et à l'engagement de la distillerie, nous sommes aujourd'hui fiers d'avoir un programme RSE solide, ajoute-t-elle. » Pour Susana Curbelo, l'égalité des sexes est un élément indispensable non seulement dans l’industrie des spiritueux, mais à tous les niveaux de la société qu’ils soient sociaux ou culturels. « Heureusement, depuis la création de DUSA, l'égalité des sexes a toujours été défendue et, aujourd'hui, de plus en plus de femmes occupent des postes clés au sein de l'entreprise, précise-t-elle. Le rôle des femmes dans les questions sociales est très important grâce à la sensibilité particulière que nous avons et qui nous permet de valoriser toutes nos actions. Au niveau technique, nous avons aussi de grandes femmes à la barre. » 

 

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